Le passant ordinaire
n° 44, Banlieue du monde, avril-juin 2003

« Banlieue du monde : le monde comme un espace étranger, périphérique, mais sous contrôle du centre, un espace en permanence écouté et observé à distance, un espace dont l’ordre est assuré par des intrusions violentes ».

C’est sur cet édito aux ambitions internationalistes, aux accents un brin guerrier, que s’ouvre la livraison printanière du Passant ordinaire, la revue bordelaise qui accorde depuis longtemps une large place aux problèmes de confrontation urbaine, envisagés comme transformation de l’espace (n°32, « mutations urbaines ») ou lieux de cristallisation des passions sécuritaires (n° 39, « sécurités, précarités »).

L’expression « banlieue » invite parfois à la simple métaphore, sorte de dérive métaphysique dans le fil des constructions d’Agamben sur le « ban » et la « vie nue » (article de Vincent Houillon). Mais la plupart des contributions, sociologiques ou littéraires, insistent sur ces périphéries parfois mouvantes (une ligne de métro), parfois transportées (l’enquête de Paul Mignon sur les lascars des ZUP dans les campings du Sud Ouest), parfois au centre même, à l’épicentre des villes ou du monde (le Ground zéro, « banlieue ultime » sous la plume de Xavier Daverat).

Le regard s’élève, à la lecture de ce numéro, au-delà de la ligne blême d’horizon de nos HLM, partout où la périphérie vient troubler l’ordre ordinaire des choses, par exemple l’ordre universitaire et l’université « de banlieue » Paris VIII St Denis (Alain Brossat). Bel essai, à cet égard, que celui de Christine César qui montre au contraire les tensions liées, dans un quartier de Paris, à la gentrification violente d’un quartier oublié, aujourd’hui sous l’empirse des classes ascendantes de la capitale.

Conformément à la ligne éditoriale de la revue, ce sont bien sûr les contre-pouvoirs qui forment une part essentielle des préoccupations, ainsi les lieux et ban-lieux de renversement des rapports de force (entretien avec Michel Benasayag par Thomas Lacoste). A ce titre, il faut souligner la part belle accordée au cinéma dans ces chroniques de résistance urbaine, avec la publication du texte qui accompagne les images des trains de banlieue filmées par Pialat (« l’amour existe », film de 1961), ainsi que l’entretien avec Raynald Bertrand, chroniqueur vidéaste des errances et des luttes urbaines. Evoquer les images, c’est bien entendu, aussi, souligner le très impressionnant travail de conception graphique et photographique de ce numéro, qui rend aux banlieues leur juste part de poésie.

CLARIS

Acheter cet ouvrage en ligne