Non pas une enquête, mais plusieurs : dix ans d’enquête dans la boucle que forme la Seine au nord-ouest de Paris, et qui ceinture Asnières, Nanterre et Gennevilliers. Par vagues successives, depuis janvier 1993, l’auteur s’est consacré à une classe d’âge / classes sociale particulière, celle toujours entre deux eaux, entre école et travail. Ces jeunes, il parvient à en faire le portrait juste :une collection fragile de trajectoires sociales et personnelles, non pas le collectif toujours attendu de résignation ou de révoltes.

Ainsi, dans les portraits individuels, ou dans les changements de tel ou tel îlot urbain, voire de tel ou tel hall d’immeuble. Le resserrement de l’observation est en effet l’une des vertus de l’ouvrage, qui dépasse les notions entendues de « jeunes » ou de « ville » et de « zone sensible ». Mais sa vertu première est bien la patience : d’avoir engagé des enquêtes dont la durée fait la validité, patience aussi d’avoir pu accumuler un savoir véritable sur le temps propre de ces espaces sociaux.

Les propos tenus sur « la » banlieue la voient en effet toujours prise dans les glaces d’un temps condamné (« elle habite nulle part / y a jamais rien qui bouge ») ou dans une irruption de violence collective (« autopsie d’une émeute »). Ici, dix ans d’enquête permettent, tout simplement, de montrer le temps qui passe : celui des jeunes qui plongent et de ceux qui s’installent, celui des promesses politiques qui tiennent et de celles qui s’embourbent, celui de villes qui vivent vraiment.

Fabien Jobard
(ce texte de Fabien Jobard a été publié également dans la revue "Le Passant ordinaire")

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• Violences et délinquances des « jeunes » au cours des vingt dernières années par Laurent Mucchielli Si certaines délinquances juvéniles se sont intensifiées au cours des vingt dernières années, elles ne sont pas pour autant d’une nature fondamentalement nouvelle, à l’échelle historique : la jeunesse a des comportements qui traversent les siècles. Néanmoins, la période contemporaine présente, du point de vue de ces délinquances, plusieurs spécificités, liées à l’ampleur de la crise des structures d’intégration économique, symbolique et politique dans la monde adulte.
• Éduquer ou exclure ? Un collège pas si unique que ça… par Maryse Esterle-Hedibel, sociologue, maîtresse de conférences à l’IUFM du Nord-Pas-de-Calais, chercheuse au CESDIP Le phénomène de la déscolarisation, quoique limité, illustre les paradoxes et les impasses du système tel qu’il est organisé aujourd’hui. En effet, il apparaît que, pour une part, ce système et les pratiques éducatives qu’il promeut contribuent à alimenter un tel phénomène de marginalisation d’élèves dont tout le monde finit par se convaincre qu’ils n’ont « pas leur place au collège »…
• Où va la justice pénale des mineurs ? Entretien avec Michel Huyette, magistrat spécialisé « enfance », ancien juge des enfants, actuel Conseiller délégué à la protection de l’enfance à Bastia, auteur d’un Guide de la protection judiciaire de l’enfance Présentant l’évolution de la justice pénale des mineurs en France depuis l’ordonnance fondatrice de 1945 jusqu’à la récente loi « Perben », Michel Huyette propose également des pistes de réflexion pour l’avenir, de nature à engager de façon cohérente une action à la fois répressive et éducative.
• Soins, éducation, répression, quelle cohérence ? par Marie Bastianelli, psychologue clinicienne Face aux comportements déviants des mineurs, trois domaines d’intervention sont susceptibles d’être interpellés : la répression, l’aide éducative et le champ de la santé mentale. Évidemment nécessaire, l’articulation entre ces différents domaines semble désespérément déficiente, et le primat systématique aujourd’hui accordé au traitement pénal ne va pas pour arranger les choses.
• Avant toute répression, comment soutenir la fonction éducative pendant l’enfance ? Garantir un droit à l’éducation par Laurent Ott, docteur en philosophie, président de l’association INTERMEDES, éducateur, enseignant Confronté à la précarisation des familles, au déclin des grands mouvements éducatifs, aux renoncements des institutions et de l’école, quelles nouvelles pratiques éducatives peut-on développer - en dehors de l’école et des institutions sociales ou de loisirs - pour répondre aux besoins des enfants et des parents d’aujourd’hui ?
• Une expérience de prévention en milieu scolaire : le Lieu d’Écoute pour Adolescent (LEA) par Nathalie Bruno, coordinatrice de Contrat local de sécurité Présentation d’un projet innovant en terme de « prévention des violences et d’amélioration du mieux-être », en expérimentation depuis deux ans dans six établissements scolaires alsaciens (en partenariat avec un service hospitalier de pédopsychiatrie), visant à mettre en place des « temps de parole » pour les adolescents et les enseignants, gérés par des psychologues, au sein même du milieu scolaire.
• Interactions et initiatives éducatives envers les jeunes de « quartiers sensibles » par Marwan Mohammed, responsable associatif, étudiant en sociologie Alors que le terme de « prévention » devient pour certains synonyme d’échec politique, se développent ici et là des actions et des dynamiques qui méritent de retenir l’attention. Parmi elles, une campagne de sensibilisation et de mobilisation incitant les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales - à la veille des dernières élections présidentielles et législatives - dont témoigne l’auteur.

Au début des années 1960, les Français découvrent qu'il existe une jeunesse. Cette constatation, écrit Claude Bourdet, " a été provoquée [?] par les dégâts causés [?] par un certain nombre de "bandes d'adolescents" ". Publié en 1962, cet ouvrage rassemble des données jusqu'alors éparses sur la jeunesse française.

Émile Copfermann s'intéresse au sens de l'apparition des " blousons noirs ", qui suscitent la psychose dans l'opinion publique. La guerre d'Algérie, les assassinats quotidiens, l'autoritarisme familial, une école déshumanisée et un enseignement défaillant, l'inadéquation de la formation professionnelle, la " fuite vers le loisir comme une délivrance ", le service militaire : l'auteur restitue le cadre de cette jeunesse. Si toutes les sociétés sont confrontées à ces questions, si des constantes se dégagent, l'auteur isole aussi des particularités françaises, comme le " contexte de guerre coloniale qui pose des problèmes psychiques dans les consciences ".

L'auteur analyse les politiques de la jeunesse et envisage les solutions : augmentation du nombre d'écoles et d'instituteurs, modernisation des méthodes, aide aux organisations de jeunesse? Ce texte, à quarante ans de distance, apporte un éclairage utile pour une mise en perspective du débat sur l'insécurité dans notre société.